Une histoire difficile à croire mais pourtant bien réelle. Vivement critiqués par la Corée du Sud pour sa bassesse et son caractère «irrationnel», les ballons d’immondices lancés par le Nord à destination du Sud ravivent les tensions entre les deux Corées. Le Parisien fait le point sur ces tensions diplomatiques entre les deux Corées, qui se sont exprimées de façon totalement inattendue.
Qu’est-il arrivé?
Depuis mardi dernier, près de 1000 ballons contenant toutes sortes de déchets comme des excréments d’animaux, du plastique et des mégots de cigarette ont été lancés par Pyongyang vers son voisin et opposant, la Corée du Sud.
Ce dimanche, vers 10heures heure locale, l’assaut atteint son pic puisque 20 à 50 ballons par heure ont été recensés dans les airs par l’armée sud-coréenne.
La Corée du Sud a estimé que l’initiative nord-coréenne contrevenait à l’accord d’armistice qui a mis fin aux hostilités entre les deux Corées en 1953, même si «aucune substance dangereuse n’a été trouvée» dans les ballons. Séoul a menacé d’engager des représailles en cas de persistance.
Dimanche, après le lâchage des 600 ballons, la Corée du Nord s’est engagée à «suspendre» temporairement leur lancement. Trop tard.
Pourquoi un tel acte?
Depuis des années, la relation entre Corée du Nord et Corée du Sud est très tendue. Chaque camp entreprend régulièrement des actes d’hostilité à l’égard de son voisin, s’inscrivant dans une guerre de «déstabilisation psychologique», explique au Parisien l’historienne Juliette Morillot, auteure de La Corée du Nord en 100 questions.
Pyongyang a affirmé que ses ballons, qualifié de «cadeaux sincères», visaient à riposter à l’envoi sur son territoire de ballons chargés d’outils de propagande contre le gouvernement de Kim Jong-un.
En effet, la Corée du Nord est depuis longtemps exaspérée par les actions de militants sud-coréens, qui envoient parfois de l’argent, du riz, ou des clés USB contenant des fictions télévisées sud-coréennes ou de la musique K-pop. Également, à la frontière qui est le point de friction majeur, la Corée du Sud diffusait via des haut-parleurs de la musique américaine et sud-coréenne, une propagande contre le régime nord-coréen qui affole le gouvernement de Kim Jong-un.
Les messages pro-démocraties envoyés par le Sud au Nord ont un impact bien plus fort et sont, selon Juliette Morillot, plus «insidieux» que la propagande nord-coréenne sur le Sud.
Ainsi, comme nous l’explique l’historienne, «ce genre de provocation n’a rien de nouveau», seulement dans ce cas précis «la forme est plus spectaculaire» et fait donc plus parler.
En 2020, le Parlement de Corée du Sud a voté une loi pour criminaliser les envois de tracts vers le Nord. Cependant, celle-ci était négligée par les activistes et elle a finalement été annulée l’an dernier pour violation à la liberté d’expression. Kim Yo Jong, la sœur de Kim Jong-un a raillé la Corée du Sud au sujet des ballons cette semaine en affirmant que les Nord-Coréens ne faisaient que pratiquer leur liberté d’expression.
Quelles conséquences pour la relation entre les deux Corées?
En réalité, pas grand-chose. Encore une fois, ces agissem*nts ne sont pas nouveaux - seule la forme l’est. La déclaration de suspension des lancements de ballons par la Corée du Nord a été trop tardive pour le Sud qui a annoncé la suspension totale de l’accord militaire de 2018. Celui-ci visait à réduire les tensions, notamment le long de la frontière intercoréenne, pendant une période de réchauffement des relations entre les deux Corées qui restent techniquement en guerre.
Mais la suspension de cet accord ne change presque rien à leur relation puisqu’il avait déjà été partiellement suspendu l’année passée à la suite de la mise en orbite par Pyongyang d’un satellite espion. La Corée du Nord avait annoncé qu’elle ne respecterait plus du tout l’accord.
Selon Séoul, cet accord est donc «virtuellement nul» et «pose des problèmes importants en ce qui concerne l’état de préparation de nos forces armées, en particulier dans le contexte d’une série de provocations récentes de la part de la Corée du Nord, qui causent des dommages réels et menacent nos citoyens» comme exprimé par le gouvernement.
Il faut néanmoins noter que si ce genre de provocation n’est pas nouvelle, elle s’inscrit aujourd’hui dans un contexte de tensions beaucoup plus vives avec «un positionnement de la Corée du Nord plus extrême» déclare Juliette Morillot. Kim Jong-un s’est en effet largement rapproché de la Russie et sa «rhétorique est devenue bien plus agressive» alors qu’elle était autrefois essentiellement défensive.
La campagne des ballons intervient après que des analystes aient assuré que Kim Jong-un avait ordonné des tests sur des armes avant de les envoyer en Russie, pour sa guerre en Ukraine.
